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OBLOMOFF.

Pourtant, vingt-cinq ans auparavant, il avait débuté dans un ministère, en qualité d’expéditionnaire, et il avait grisonné dans cet emploi. Il ne lui était jamais venu en la tête, ni à lui ni à personne, qu’il aurait pu obtenir de l’avancement. Le fait est que Taranntieff n’était qu’un beau parleur ; en paroles il trouvait à tout une solution claire et facile, surtout dans les affaires d’autrui ; mais dès qu’il fallait remuer un doigt, bouger de place, en un mot, appliquer la théorie imaginée par lui-même et entrer dans la pratique, faire preuve d’ordre, d’activité, il était un autre homme : c’est là justement qu’il se montrait insuffisant.

La besogne lui devenait à charge ; il était embarrassé, indisposé, ou il lui survenait une autre affaire, qu’il ne devait pas entamer non plus.

S’il l’entame, Dieu vous préserve de l’issue. C’est un véritable écolier : ici, il a manqué d’attention ; là, il ignore quelques menus détails ; ici, il est en retard, et finit par laisser l’affaire en plan, ou bien il la prend à rebours : c’est ainsi qu’il gâche tout, sans remède : par dessus le marché, il vous dit des injures.

Son père, praticien de province de la vieille roche, avait voulu lui léguer ses roueries de chicaneur, et lui faire parcourir adroitement sa carrière dans les tribunaux ; mais le sort en avait décidé autre-