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OBLOMOFF.

d’être couché là, sans souci, pareil à l’enfant nouveau-né, de ne point s’éparpiller et de ne rien vendre… Tout à coup, la lettre du staroste et le logement lui revinrent en mémoire : il commença à rêver.

Mais voici qu’on sonne encore.

— Qu’est-ce donc que ce raout aujourd’hui chez moi ? dit Oblomoff, et il regarda qui allait entrer.

C’était un homme d’un âge indéfinissable, d’une physionomie insignifiante et qui était à une époque de la vie difficile à préciser ; ni beau, ni laid ; ni grand, ni petit ; ni blond, ni brun. La nature ne l’avait gratifié d’aucun trait marquant, ni en bien, ni en mal.

Beaucoup de personnes le nommaient Jean-Jean, d’autres Jean-Basile, d’autres Jean-Michel. On lui donnait aussi différents noms de famille : selon les uns il s’appelait Ivanoff, selon d’autres Vassilieff ou Anndréeff ; d’autres croyaient qu’il s’appelait Alexéeff.

L’étranger qui le voyait pour la première fois, et qui entendait prononcer son nom, l’oubliait tout de suite, ainsi que sa figure ; tout ce que pouvait dire cet homme passait inaperçu. La société ne gagnait rien à sa présence, et ne perdait rien à son absence. Il n’avait ni saillies, ni originalité, ni aucune de ces qualités qui sont comme les signes particuliers de l’intelligence.