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OBLOMOFF.

avec une grimace et en ramenant sur lui la couverture : je crains l’humidité ; il ne fait pas encore assez sec. Mais si vous veniez dîner, nous pourrions causer… Il m’arrive deux malheurs…

— Non, toute notre rédaction se réunit aujourd’hui chez Saint-George[1] ; c’est de là que nous partons pour la promenade. Il faut que j’écrive la nuit, et qu’au point du jour ma copie soit à l’imprimerie. Au revoir.

— Au revoir, Pennkine.

« Écrire la nuit, ruminait Oblomoff, et dormir donc… quand ? Et cependant, vas-y voir, il gagne bien ses cinq mille roubles par an ! C’est du pain ! Mais toujours écrire, dépenser son esprit, son âme en futilités ; changer de convictions, trafiquer de son intelligence et de son imagination, violenter sa nature, se monter la tête, bouillonner, brûler, ne jamais connaître le repos, et toujours se remuer sans but… Et toujours écrire, comme une roue, comme une machine ; écrire demain, après-demain ; vienne une fête, vienne l’été, lui, il faut qu’il écrive toujours ! Quand donc s’arrête-t-il et se repose-t-il, le malheureux ? »

Il tourna la tête vers la table vide, où l’encrier était à sec, où l’on ne voyait pas de plume, et il jouissait

  1. Restaurant français à Pétersbourg.