Page:Gontcharoff - Oblomoff, scènes de la vie russe, trad Artamoff, 1877.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
OBLOMOFF.

Un souvenir se réveilla en lui, et il sentit comme un frisson de terreur.

— Il a retenu sa gratification jusqu’à ce que le dossier se retrouve. C’était un dossier important du contentieux. Le directeur croit, ajouta presque en chuchotant Soudbinnski, qu’il l’a perdu… exprès.

— Impossible ! dit Élie.

— Oui, oui, c’est à tort, affirma Soudbinnski d’un ton magistral et d’un air de protection : Svinnkine est une tête légère. Le diable sait quelles sommes il additionne ; quelquefois il brouille tous les considérants d’un dossier. Je m’épuise avec lui, et cependant, non, on n’a rien remarqué qui… Il ne l’aurait pas fait, non ! non ! Le dossier se sera égaré quelque part ; on le retrouvera plus tard.

— Ah ! c’est ainsi… toujours en pleine besogne ! dit Oblomoff ; tu pioches ?…

— Terriblement, terriblement ! Je sais bien qu’il est fort agréable de servir avec des hommes comme M. Thomas : il ne néglige pas les gratifications. J’en connais qui ne font rien, et pourtant il ne les oublie pas. Quand votre tour arrive d’être présenté pour service distingué, il vous présente. Si votre temps n’est pas venu d’obtenir un grade ou une croix, il vous décroche une gratification pécuniaire.

— Combien touches-tu ?