Page:Gontcharoff - Oblomoff, scènes de la vie russe, trad Artamoff, 1877.djvu/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
36
OBLOMOFF.

neff ; il m’a donné cela en guise d’œufs de Pâques. Eh bien ! adieu, au revoir. J’ai encore à passer dans dix endroits. Mon Dieu ! qu’on s’amuse en ce bas monde !

Et il disparut.

« Dans dix endroits en un jour, le malheureux ! » pensa Élie. « Et on appelle cela la vie ! » Il haussa très-fort les épaules. « Et l’homme ? où est-il ? Pourquoi se fractionner, s’éparpiller ainsi ? Certainement, il n’est pas mauvais de suivre un peu le théâtre et de s’amouracher d’une Lydie… elle est gentille ! Cueillir des fleurs et se promener avec elle à la campagne, bon ; mais aller dans dix endroits en un jour, le malheureux ! » conclut-il, et il s’étendit sur le dos, ravi de n’avoir point de désirs ni de pensées aussi vides, de n’être pas en l’air toute la journée, mais de rester couché là, sans compromettre ni son repos ni sa dignité d’homme.

Un nouveau coup de sonnette interrompit ses réflexions.

Un nouveau visiteur entra.

C’était un monsieur en habit vert foncé, avec le double aigle sur les boutons[1], rasé de frais, orné de favoris bruns encadrant la face avec symétrie. Ses yeux exprimaient la quiétude ; sur sa figure fatiguée et très-usée errait un sourire pensif.

  1. Petite tenue des employés du gouvernement.