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OBLOMOFF.

En touchant à son barine, on blessait Zakhare au vif. Cette attaque remua son ambition et son amour-propre. Son dévouement se réveilla et éclata dans toute sa force. Il était prêt à répandre son venin, non-seulement sur son adversaire, mais encore sur le maître de celui-ci, et la parenté du maître, sans même savoir s’il en avait une, et sur ses connaissances.

Il répéta avec une étonnante exactitude toutes les diffamations, toutes les calomnies qu’il avait retenues de ses premières conversations intimes avec le cocher.

— Et vous donc, avec votre barine, maudits va-nu-pieds, Juifs, pires que des Allemands ! dit-il. Votre grand-père ! je sais ce qu’il a été, votre grand-père ! commis du marché aux vieilles hardes. Hier, les visites qui sortaient de chez vous, j’ai cru un moment que c’étaient des filous qui s’étaient introduits dans la maison. Cela faisait pitié… Sa mère aussi revendait au marché aux vieilles hardes des habits fripés et volés.

— Assez, assez, vous autres !… disait le portier en tâchant de l’apaiser.

— Oui, dit Zakhare, le mien, grâce à Dieu ! est un barine de vieille roche. Il a pour amis des généraux, des comtes et des princes. Encore il n’offre pas des sièges à tous les comtes ; il y en a qui viennent et font le pied de grue dans l’antichambre… Il ne vient que des auteurs…