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OBLOMOFF.

fant s’étaient, avant qu’il eût vu le premier livre, remplis des tableaux de ces mœurs et de ces coutumes.

Et qui sait à quel âge précoce se développent les germes dans une cervelle d’enfant ? Comment saisir dans une âme tendre les impressions et les conceptions premières ?

Quand le petit être balbutie à peine les mots, ou même quand il ne les balbutie point encore, quand il ne marche pas encore, mais ne fait que regarder tout de ce regard fixe, muet, enfantin, que les grandes personnes nomment stupide, peut-être qu’il entrevoit et devine déjà le sens et le rapport des phénomènes qui l’entourent, mais dont il ne rend compte ni à lui-même ni aux autres. Peut-être que le petit Élie remarque, comprend déjà depuis longtemps ce qu’on dit et ce qu’on fait en sa présence.

Il remarque donc que son père, en pantalon de velours de coton et en jaquette ouatée de drap marron, ne fait toute la sainte journée que se promener de long en large, les mains croisées derrière le dos, priser et se moucher ; que sa mère passe du café au thé, du thé au dîner ; qu’il ne vient jamais dans la tête de son père de vérifier combien on a fauché ou moissonné de meules, ni de punir une négligence grave, mais que si on ne lui apporte pas sur-le-champ son mouchoir de poche, il crie au désordre et met la maison sens dessus dessous.