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OBLOMOFF.

Avec la simplicité et la naïveté d’Homère, avec la même vérité palpitante de vie dans les détails, le même relief dans les tableaux, elle inculquait à la mémoire et à l’imagination de l’enfant l’iliade de la vie russe, créée par nos homérides dans ces temps brumeux, où l’homme ne s’était point encore familiarisé avec les embûches et les mystères de la nature et de la vie, où il tremblait devant le loup-garou et le satyre, où il cherchait auprès d’Aliocha, le fils du prêtre, une protection contre les périls qui l’entouraient, où dans l’air et dans l’eau, dans la forêt et dans les champs, tout était merveille.

Terrible et incertaine était alors la vie de l’homme ; il y avait danger pour lui à franchir le seuil de sa maison : à tout moment il risquait d’être éventré par la bête fauve, ou égorgé par le brigand, ou dépouillé par le cruel Tatar : un homme alors pouvait disparaître sans bruit et sans laisser de trace.

Tantôt apparaissaient dans les cieux des météores, des colonnes et des globes de feu ; tantôt, au-dessus de la tombe fraîche s’allumait une petite flamme ; dans la forêt quelqu’un se promenait comme avec une lanterne ; il éclatait d’un rire affreux et ses yeux flamboyaient dans les ténèbres.

Chez l’homme lui-même il se produisait tant de phénomènes incompréhensibles ! L’un vivait tranquille et, sans que rien lui arrivât, tout à coup il com-