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OBLOMOFF.

demandera pourquoi la fiction n’est point la vie, et la vie la fiction.

Involontairement il rêvera à Militrissa Kirbitiévna ; il se sentira toujours attiré vers cette contrée, où l’on ne fait que se promener, où il n’y a ni soucis, ni chagrins. Il lui restera toujours un penchant à s’allonger sur un tiède poêle, à se pavaner dans l’habit tout prêt, acquis sans travail, à se régaler au compte de la bonne fée.

Le vieil Oblomoff, le père du vieil Oblomoff, dans leur enfance, avaient entendu tout au long ces contes, dont l’antique tradition, par la bouche des bonnes et des menins, a traversé les générations et les siècles.

La vieille, cependant, déroulait déjà un autre tableau devant l’imagination de l’enfant. Elle lui racontait les exploits de nos Achilles et de nos Ulysses, l’intrépidité d’Élie Mourometz, de Dobrinia Nikititsch, d’Aliocha le fils du prêtre, de Polkane le héros, de Koletschitsch le passant, leurs pérégrinations à travers la Russie, comme quoi ils ont massacré d’innombrables légions d’infidèles, comme quoi ils se sont défiés à qui avalerait d’un trait et sans reprendre haleine une coupe de verte eau-de-vie ; ensuite elle parlait de féroces brigands, de jeunes princesses dormantes, de villes et de gens pétrifiés ; enfin elle passait à notre démonologie, aux revenants, monstres et aux loups-garous.