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OBLOMOFF.

mâchant à vide avec les lèvres, balbutie quelques mots incohérents et se rendort.

Un autre, sans crier gare, saute vivement à pieds joints de sa couche, comme s’il craignait de perdre des moments précieux, saisit la cruche au kwas et y souffle sur les mouches naufragées pour les chasser vers l’autre bord.

Les mouches, jusque-là immobiles, commencent à se trémousser de toutes leurs forces, espérant se tirer de là ; mais l’homme humecte sa gorge et de nouveau retombe sur son lit, comme frappé d’une balle.

Et l’enfant observait toujours. Après le dîner, il allait de nouveau prendre l’air avec sa bonne. Malgré les instructions sévères de la dame et sa volonté bien arrêtée, la bonne ne pouvait résister au charme du sommeil. Elle aussi était atteinte de l’épidémie qui régnait à Oblomofka.

D’abord elle gardait l’enfant avec vigilance, et ne le laissait point s’écarter ; elle le grondait sévèrement de sa pétulance, puis, sentant les symptômes de la contagion qui la gagnait, elle commençait à le supplier de ne pas franchir la porte cochère, de ne point agacer le bouc, et de ne pas grimper au colombier ou à la galerie.

Elle-même se mettait commodément au frais, quelque part, sur le perron, sur le seuil de la cave, ou simplement sur l’herbe, se laissant choir en appa-