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OBLOMOFF.

ils bien ou mal ? Étaient-ils riches ou pauvres ? Avaient-ils quelque chose à envier aux autres ? etc.

Les heureuses gens vivaient persuadées que le monde entier vivait absolument comme eux, et que vivre autrement était un péché. Et ils ne l’auraient pas cru, si on leur avait dit que les autres labourent, sèment, récoltent, vendent d’une autre façon.

Quelles passions et quels troubles pouvait-il y avoir pour eux ? Chez eux, comme ailleurs, il y avait aussi des soucis et des faiblesses : le payement des contributions et des redevances seigneuriales, la paresse et le sommeil ; mais ces charges leur étaient légères et ne leur remuaient point le sang.

Dans les dernières cinq années, des quelques centaines d’âmes, personne n’était mort ni de mort violente, ni de mort naturelle. Et si, par suite de la vieillesse ou de quelque mal invétéré, l’un d’eux s’endormait du sommeil éternel, longtemps après on ne pouvait trop s’étonner d’un événement aussi extraordinaire.

Et cependant, il ne leur parut nullement surprenant que, par exemple, le maréchal-ferrant Tarasse se fut presque asphyxié en se fustigeant lui-même aux bains de vapeur, au point qu’il fallut employer l’eau pour le faire revenir.

Des crimes, un seul, le vol des pois, des carottes et des navets dans les potagers, était assez fréquent ;