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OBLOMOFF.


IX


Où sommes-nous ? Dans quel coin de terre béni nous a transportés le songe d’Oblomoff ? Quelle admirable contrée !

Là, il est vrai, point de mer, ni de hautes montagnes, ni de rochers, ni d’abîmes, ni de sombres forêts : rien de grandiose, de sauvage, d’austère.

Et à quoi bon le sauvage et le grandiose ? La mer, par exemple ? Dieu la bénisse ! Elle n’apporte à l’homme que mélancolie : en la contemplant on a envie de pleurer. L’âme reste interdite d’effroi devant la nappe immense des eaux : l’homme ne trouve rien pour reposer son regard fatigué par la monotonie, de l’infini tableau.

Le roulement et le mugissement furieux des vagues n’ont rien de caressant pour sa faible oreille ; toujours les vagues répètent, depuis l’origine du monde, leurs mêmes strophes, au sens lugubre et mystérieux, et toujours on entend le même gémissement et les mêmes plaintes, semblables aux plaintes d’un monstre voué à d’éternels tourments : on dirait les voix perçantes et sinistres des âmes en peine.