Page:Gontcharoff - Oblomoff, scènes de la vie russe, trad Artamoff, 1877.djvu/200

Cette page a été validée par deux contributeurs.
186
OBLOMOFF.

veloppement intellectuel, de cet arrêt dans sa croissance morale, de sa malencontreuse apathie, et il se prit à envier les autres qui vivaient si pleinement et si largement, tandis que lui, un lourd rocher semblait avoir roulé sur l’étroit et misérable sentier de son existence.

Dans son âme inquiète s’est manifestée la douloureuse conviction que beaucoup de ses facultés sont restées endormies, que d’autres se sont à peine éveillées et qu’aucune n’a été définitivement mise en activité.

Et cependant il s’aperçoit avec déchirement qu’en lui gît comme dans une tombe un principe bon et pur, mort peut-être, ou semblable à l’or enfoui au sein de la montagne et qui devrait depuis longtemps être converti en monnaie courante.

Mais le trésor était recouvert d’une couche lourde et profonde d’alluvions et de mauvais détritus. On eût dit que quelqu’un lui avait dérobé, pour les enterrer au fond de son âme, tous les biens dont l’avaient gratifié le monde et la vie.

Quelque chose l’avait empêché de se lancer résolument sur la mer et d’y courir sous les voiles déployées de l’intelligence et de la volonté.

Un ennemi mystérieux avait appesanti sa main sur lui dès le début de son voyage et l’avait rejeté loin de la vraie destination de l’homme…