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OBLOMOFF.

— Ce que tu entends par « un autre » est un pauvre et misérable hère, un homme grossier, sans éducation, qui vit salement, maigrement, sous les combles, ou qui se couche quelque part, dans la cour, sur un méchant tapis de feutre.

Qu’est-ce qui peut lui arriver à cet « autre ? » rien. Il bâfre des pommes de terre et des harengs. La pauvreté le relance de-ci de-là et le fait courir toute la journée. Cet « autre » peut déménager.

Tiens, Liagaeff, par exemple : il prend sa règle sous son bras, et deux chemises dans son mouchoir de poche, et le voilà parti… « Où vas-tu, s’il te plait ? » « Je déménage, » dit-il. Voilà ce que j’appelle « un autre ! » Et moi, à ton avis, suis-je « un autre ? » Hein ?

Zakhare jeta un coup d’œil sur le barine, se balança d’un pied sur l’autre et garda le silence.

— Qu’est-ce qu’« un autre » ? continua Oblomoff. « Un autre » est un homme qui nettoie lui-même ses bottes et s’habille lui-même ; quoique parfois il ait l’air d’un barine, il ment, il ne sait point ce que c’est que les domestiques ; il n’a personne pour faire ses commissions, il court lui-même chercher ce dont il a besoin ; il attise lui-même le feu dans le poêle, quelquefois même il époussète…

— Ça doit être un Allemand : il y en a beaucoup comme ça, dit Zakhare d’un air sombre.