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OBLOMOFF.

lières de soutirer ainsi au barine une pièce de dix kopeks[1] ; s’il trouvait quelques kopeks sur la table, il ne manquait jamais de se les approprier.

De même si Élie oubliait de redemander à Zakhare un reste de monnaie, il était sûr de ne jamais le revoir. Zakhare ne volait pas de plus fortes sommes, peut-être parce qu’il mesurait ses besoins par pièces de deux ou de dix kopeks, ou bien craignait-il d’être pris ? En tout cas ce n’était point par excès de probité.

L’ancien Caleb, pareil à un chien de chasse bien dressé, serait mort plutôt que de toucher à quelques provisions qu’on lui aurait données en garde ; celui-ci n’épie que le moment d’avaler même ce qui ne lui a pas été confié ; l’un n’avait souci que de veiller à ce que le seigneur mangeât bien, et se désolait quand il manquait d’appétit ; l’autre se désole quand le seigneur ne laisse rien sur son assiette.

De plus Zakhare aime les cancans. À la cuisine, chez l’épicier, aux conciliabules de la porte cochère, il déplore chaque jour son malheur : il n’y a plus moyen de vivre ; on n’a jamais ouï parler d’un barine aussi mauvais. Oblomoff est capricieux, avare, méchant, impossible à contenter, en un mot mieux vaut mourir que de vivre avec lui.

  1. Il y a cent kopeks dans un rouble.