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OBLOMOFF.

Malgré toutes ces bizarreries, son ami Stoltz réussissait à l’entraîner dans le monde ; mais Stoltz s’absentait souvent de Pétersbourg ; il allait à Moscou, à Nijny, en Crimée et puis à l’étranger. En son absence, Oblomoff se replongeait jusqu’aux oreilles dans sa solitude et dans son isolement.

Il eût fallu pour l’en tirer quelque événement qui tranchât sur les accidents ordinaires de la vie ; mais il n’arrivait rien et on ne pouvait rien prévoir de pareil dans l’avenir.

Ajoutez à cela qu’avec l’âge il retomba dans des terreurs enfantines : il crut voir un danger et un mal dans tout ce qui sortait du cercle de son existence : il avait perdu l’habitude de contempler les phénomènes de la vie extérieure.

Il ne s’effarouchait point, par exemple, d’une fente au plafond de sa chambre à coucher : il y était accoutumé ; il ne lui venait pas non plus en tête que l’air d’un appartement toujours clos et la manie d’être constamment assis et enfermé pouvaient être plus nuisibles à la santé que l’humidité de la nuit.

Se bourrer l’estomac jusqu’à ce qu’il déborde est une sorte de suicide lent ; mais Oblomoff était accoutumé et ne s’en effrayait point. Il n’était pas habitué en revanche au mouvement, à la vie, au monde et à ses tracas.

Il se sentait étouffé dans une grande foule ; il