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OBLOMOFF.

presque toutes les femmes, où il est prêt à offrir à chacune d’elles sa main et son cœur, ce que font même quelques-uns pour le chagrin du reste de leur vie.

Dans ces jours de félicité, Élie pour sa part reçut de la foule des jolies femmes bon nombre de regards langoureux, veloutés, passionnés même, bon nombre de sourires qui promettaient beaucoup, deux ou trois baisers illicites, et encore plus de serrements de mains qui l’impressionnèrent jusqu’aux larmes. Mais jamais il ne tomba sous le joug du beau sexe, jamais il ne fut son esclave, ni même son adorateur assidu. La fréquentation des femmes entraîne trop de tracas. Oblomoff se contentait de les adorer de loin, à distance respectueuse.

Rarement le hasard le rapprocha d’une femme au point qu’il pût s’enflammer pour quelques jours et se croire amoureux. Aussi ses intrigues ne prirent jamais les proportions d’un roman : elles s’arrêtaient au début et ne le cédaient nullement en innocence, en simplicité et en pureté au rêve d’une pensionnaire de seize ans.

Par dessus tout il fuyait ces vierges pâles et tristes, aux yeux noirs, où brillent « des jours de douleur et des nuits d’iniquité ; » ces vierges aux joies et aux souffrances inconnues, qui ont toujours quelque confidence à faire et qui au moment de parler frissonnent, s’inondent de larmes subites, puis soudain enlacent leurs bras au cou du bien-aimé,