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OBLOMOFF.

Deux fois il fut réveillé dans la nuit et obligé d’écrire des mémoires, plusieurs fois on le manda par des estafettes lorsqu’il était en visite — toujours à propos de ces mémoires. Tout cela l’effraya et lui inspira une grande tristesse. « Quand donc pourrai-je vivre ? quand vivrai-je ? » répétait-il.

Il avait entendu dire à la campagne que le chef était le père de ses subordonnés, et d’après cela il s’était formé de ce personnage une idée des plus riantes et des plus affectueuses. Il se le représentait comme une sorte de second père qui ne vivait que pour récompenser à propos et hors de propos et continuellement ses subordonnés, et qui travaillait à leur procurer non-seulement l’utile, mais encore l’agréable.

Élie était alors persuadé que le chef devait s’intéresser tellement à la position de son inférieur qu’il lui demanderait avec sollicitude comment il avait passé la nuit, pourquoi il avait les yeux troubles et s’il n’avait pas la migraine ! Mais il fut cruellement désillusionné dès le premier jour de son service. Avec l’arrivée du chef commençaient les courses, le va-et-vient : on était inquiet, on se heurtait en courant, on rajustait sa toilette, de peur de n’être pas assez correct pour se présenter devant ce personnage.

Ceci provenait, comme le remarqua, plus tard Oblomoff, de ce qu’il y avait des supérieurs qui, dans les figures effarées et presque folles des employés