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OBLOMOFF.

giboulées ou la chaleur ou tout bonnement la paresse seraient toujours des prétextes suffisants et légitimes pour l’autoriser à négliger son service.

Quel ne fut pas son désappointement, quand il reconnut qu’il ne fallait rien moins qu’un tremblement de terre pour qu’un employé bien portant manquât à son bureau. Par malheur les tremblements de terre sont inconnus à Pétersbourg. Il est vrai qu’une inondation pouvait aussi servir d’excuse, mais les inondations ne sont pas communes non plus.

Oblomoff fut encore plus désappointé, quand il vit passer sous ses yeux des plis officiels avec la note « pressé, » même « très-pressé ; » quand on l’obligea à faire des recherches, des extraits, à fouiller dans les dossiers, à écrire des cahiers de deux doigts d’épaisseur, qu’on appelait comme par dérision des mémoires[1].

Il y a plus : on exigeait toujours que la besogne fût vite faite ; chacun avait l’air de se hâter vers un but quelconque sans s’arrêter jamais : à peine en finissait-on avec une affaire que déjà on s’attelait à une autre avec fureur, comme s’il n’y en avait jamais eu de plus grave ; celle-ci terminée, on l’oubliait, et on se jetait sur une troisième et à cette activité fébrile il n’y avait jamais de fin.

  1. Calembour : Zapiska signifie mémoire et billet.