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OBLOMOFF.

Au lieu de cinq mille roubles assignat[1] de revenus ; il en toucha de sept à dix mille, et mena plus grand train. Il loua un appartement plus vaste, augmenta sa maison d’un cuisinier, et alla même jusqu’à se monter d’une paire de chevaux.

À cette époque il était encore jeune : on n’oserait dire qu’il était vif, mais du moins il était plus vif qu’aujourd’hui ; il avait encore mille aspirations diverses ; il espérait toujours en quelque chose ; il attendait beaucoup de la destinée et de lui-même ; il se préparait à une carrière, à un rôle, avant tout, bien entendu, au service de l’État, qui avait été le but de son installation à Pétersbourg.

Il songea ensuite au rôle qu’il jouerait dans la société ; enfin dans une perspective lointaine, vers l’époque où il passerait de la jeunesse à l’âge mûr, il voyait de temps à autre le bonheur domestique sourire à son imagination.

Mais les jours et les années se suivirent, le duvet se changea en barbe rude, les rayons qui jaillissaient des yeux firent place à des regards ternes, la taille s’arrondit, les cheveux commencèrent à tomber impitoyablement, trente ans sonnèrent, — Oblomoff n’avait point encore fait un seul pas dans aucune carrière, et il se tenait toujours au bord de l’arène,

  1. Le rouble assignat vaut un peu plus d’un franc.