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OBLOMOFF.

que le nom ! Et cependant le gilet était en velours, et la chemise en fine toile de Hollande ; elle vaut vingt-cinq roubles. Ils n’auront pas l’habit[1] !

— Eh bien, adieu ! allez-vous en tous au diable, en attendant ! dit Taranntieff, et il sortit en menaçant Zakhare du poing. C’est convenu, Élie, je t’arrêterai l’appartement. Tu entends ? ajouta-t-il.

— Eh ! c’est bon ! fit avec impatience Oblomoff pour se débarrasser de lui.

— Et toi, tu vas écrire ce qu’il faut, continua Taranntieff. Surtout n’oublie pas de dire au gouverneur que tu as douze enfants « en bas âge ; » et qu’à cinq heures la soupe soit sur la table ! Pourquoi n’as-tu pas commandé un pâté ?

Mais Oblomoff ne répondit rien. Depuis longtemps il n’écoutait plus et, les yeux fermés, il pensait à autre chose.

Après le départ de Taranntieff il s’établit dans la chambre un profond silence qui dura une dizaine de minutes. Oblomoff était d’une part affecté de la lettre du staroste et de l’imminence du déménagement, et de l’autre fatigué du vacarme de Taranntieff. Enfin il soupira.

— Pourquoi n’écrivez-vous point ? demanda doucement Alexéeff ; je vous taillerais une plume.

  1. Les subalternes par déférence parlent au pluriel d’une seule personne. Zakhare emploie ironiquement la même tournure.