ce besoin de tout individu de participation à la connaissance lointaine des événements quelconques, ne pouvoir les satisfaire jamais ! jamais ! Oh ! cette existence vécue dans l’ignorance cruelle de tout ! À mesure que les lentes années se succèdent, au milieu d’un effroi qui vient aux plus bêtes, sentir s’épaissir, au fond de soi, ce grand et redoutable inconnu ! Il y avait des jours où Élisa eût donné une pinte de son sang pour apprendre, quoi ? elle n’en avait pas l’idée, ― rien certes qui l’intéressât ou la touchât personnellement, ― pour apprendre seulement quelque chose, pour qu’il tombât une filtrée de jour dans les ténèbres de son être. Quelquefois, au préau, tout à coup elle s’arrêtait dans sa marche mécanique, l’oreille tendue à des pas graves de bourgeois qui se promenaient, à des cris d’enfants qui se perdaient dans le lointain, comme si ces pas, comme si ces cris allaient lui dire du nouveau. Deux ou trois fois, pendant un espace de cinq ans, la musique d’un
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