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hokousaï.

femmes mortes. L’une, c’est Kasané, la femme laide, assassinée par son mari, qu’il représente avec son front de fœtus hydrocéphale, sous la broussaille de ses cheveux, un œil fermé et l’autre grand ouvert, où est une prunelle de poisson cuit, le cartilage dénudé de son nez, ses mâchoires sans gencives, entr’ouvertes dans un hiatus allant jusqu’aux oreilles, ses deux mains de squelette rapprochées de sa tête dans le tressautement de la danse idiote d’un naturel de la Terre-de-Feu. Une apparition à faire peur, regardée le soir, à la lueur d’une lampe.

L’autre apparition a l’apparence, dans le ciel ténébreux, d’une longue et courbe et molle larve blanche, enveloppée d’une chevelure ; c’est l’âme de la petite servante Okikou. Elle était dans une maison, où il y avait dix précieuses assiettes, et elle eut le malheur d’en casser une. Et le propriétaire des assiettes adressa des reproches si durs à la fillette, qu’elle se jeta dans un puits. Or, depuis ce jour, elle revient toutes les nuits au-dessus du puits, et de la maison où est le puits et des maisons voisines, on l’entend dire, l’une après l’autre, les légendes des assiettes, puis arrivée à la dixième, à celle qu’elle a cassée, on l’entend, cette fois, pousser un sanglot si déchirant, si déchirant, que le