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prit des gens aussi longtemps que conserveront leur place dans la littérature moderne les œuvres de divers coryphées et dans leur nombre les fruits géniaux de la fantaisie de Dante.

Quand il dépeint le caractère de quelqu’un, Tolstoï semble s’identifier, par ses propres sentiments et ses conceptions, à son personnage. Quand il nous décrit l’état anormal de l’auditoire rassemblé dans le salon de la comtesse Pscharsky en l’honneur du prédicateur anglais Kiseneter, pendant que les assistants s’agenouillent ou pleurent, il nous montre le cocher de la comtesse qui « effrayé et surpris regardait l’étranger comme s’il allait le renverser du timon de son attelage sans que celui-ci cherchât à se garer ».

Tolstoï sait nous dépeindre avec une vivacité émouvante l’état de l’enfant dans les flancs de sa mère. Rappelons-nous Katioucha quand elle court la nuit à la station pour voir Nekludoff et quand ce dernier passe outre emporté par le train, sans même jeter un regard par la portière du coupé. Elle résolut alors de se jeter sous les roues du wagon : « Mais à cet instant, comme il arrive à la première minute de calme après une forte émotion, lui — l’enfant — son enfant qui était en elle, tressaillit tout à coup, se heurta, puis se détendit doucement et heurta de nouveau avec quelque chose de mince, de délicat et de pointu. Et ce qui la faisait souffrir un instant auparavant, tellement qu’il lui semblait impossible de continuer à vivre, toute la colère qu’elle nour-