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nir en faveur d’elle et de son fils) ; la détenue rousse qui se bat avec la doyenne de la cellule et ensuite, croyant n’être vue de personne, pleure sur sa couchette, gémissant et reniflant en avalant ses larmes, parce qu’elle vient d’être injuriée, battue, qu’on lui a refusé du vin dont elle avait tant envie et que, durant toute sa vie elle n’a connu que des injures, des moqueries, des insultes et des coups et pleurant enfin sur le dénouement outrageant de son premier amour pour l’ouvrier Fedka Maladenkoff ; la cantinière à laquelle on a laissé ses deux enfants, n’ayant personne à qui les confier, qui tient entre ses jambes sa petite fille dont elle épluche la tête de ses doigts agiles en se posant à elle-même cette question : « Pourquoi vends-tu du vin en contrebande ? » à quoi elle répond aussitôt : « Et avec quoi donc élèverais-je les enfants ? » ; la détenue surnommée à cause de son amour pour les chiffons, La Jolie, de la taille d’une fillette de dix ans, noiraude, mal bâtie, avec un dos trop long et de toutes petites jambes ; la fille d’un sacristain, grande et bien faite, qui avait noyé son enfant et qui, maintenant, revêtue seulement d’une chemise sale en toile bise, marche nu-pieds dans l’espace libre de la cellule sans faire la moindre attention à ce qui se passe autour d’elle, tournant brusquement en arrivant au mur pour recommencer sa promenade, comme un automate — tous ces personnages sont devant nous comme sculptés et on peut hardiment ajouter, éternisés par Tolstoï ; ils vivront avec leur milieu dans l’es-