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même que celle d’aujourd’hui. À ce sujet, il est fort à propos de rappeler encore un passage tiré de La guerre et la paix qui nous montre l’ancienne provenance des convictions fondamentales dont Tolstoï fait preuve de nos jours. Le revirement des sentiments moraux de Nekludoff dans sa jeunesse est attribué à son entrée au service militaire, dont il est dit ce qui suit dans le roman mentionné plus haut :

« Le service militaire, en général, déprave les gens les plaçant dans des conditions d’oisiveté complète, c’est-à-dire l’absence d’un labeur sensé et utile et en les libérant de toutes les obligations humaines que remplacent d’un côté l’honneur conventionnel du régiment, de l’uniforme, de l’étendard et le pouvoir sans limites sur d’autres individus et une soumission servile à ses supérieurs, de l’autre ».

Nous lisons au commencement d’un des premiers chapitres du second volume de La guerre et la paix, les lignes suivantes :

« La légende biblique dit que l’absence de tout travail, c’est-à-dire l’oisiveté, était la condition de félicité du premier homme avant sa chute. Cet amour de l’oisiveté a persisté après elle ; mais la malédiction pèse toujours sur l’humanité et non seulement par l’obligation de gagner son pain à la sueur de son front mais parce que, par ses propriétés morales, elle ne peut rester oisive et tranquille. Une voix secrète nous dit que nous sommes coupables en demeurant oisifs. Si