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Tolstoï ne peut se faire à l’idée que personne ne songe à l’importance infiniment grande et à l’inaccessibilité, pour un simple mortel, du rôle dont se charge un individu, en déclarant audacieusement devant le Tribunal que son prochain devrait être séparé de sa famille et de ses semblables pour être soumis aux tortures d’un régime douloureux et à des travaux forcés pendant un certain nombre d’années.

À ses yeux, les juges ne s’intéressent pas davantage à l’accusé que les croque-morts au cadavre qu’ils accompagnent au cimetière.

Le bureau des pompes funèbres s’occupe-t-il à résoudre la question de l’existence et de la marche mystérieuse des choses amenant la fin de tout et les conséquences qui sont liées pour l’humanité à l’inévitabilité de la mort ? D’après Tolstoï le tribunal criminel moderne se préoccupe juste autant du point capital du crime et de l’âme du délinquant : il ne fait qu’enterrer les sujets livrés à sa justice et rien de plus.

La critique s’est placée au point de vue de Tolstoï jugeant les juges et le tribunal. Il n’en est rien. Tolstoï ne fait que nous montrer le dehors et le dedans du tribunal et rien d’autre. Chez Tolstoï, la confusion des questions posées au jury nous montre non le résultat fâcheux qu’on obtiendrait en omettant d’observer un § 760 quelconque du Code pénal, mais combien est futile tout ce dont s’occupent les jurés, même quand les questions leur sont posées de la manière la plus correcte.