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ceux-ci le séjour de la ville adoucit un peu leur rudesse naturelle ; ils sont bien plus civilisés que les habitants des forêts, engeance sombre et farouche, au contraire ; ces derniers sont toujours maigres, efflanqués ; leur miaulement est rude et triste ; ils font des trous souterrains pour pénétrer dans les garde-manger et y voler des pièces de lard. Ils s’introduisent même brusquement par la fenêtre dans les cuisines quand ils s’aperçoivent de l’absence du cuisinier. Aucun sentiment généreux ne leur est connu ; ils ne vivent que de rapines, de brigandage ; ils dévorent les petits moineaux dans leur nid. Ces chats vinrent flairer longtemps par les soupiraux des caves la bonne petite chatte de Pulchérie Ivanovna, et finirent par séduire la pauvrette, comme une troupe de soldats séduit une sotte villageoise. Dès qu’elle remarqua la disparition de sa chatte, Pulchérie Ivanovna la fit chercher partout ; mais on ne la trouva nulle part. Trois jours se passèrent. La bonne dame regretta sa chatte, mais finit par l’oublier. Un jour qu’ayant fait l’inspection de son potager, elle retournait à la maison, portant des concombres verts qu’elle avait cueillis de sa main pour Athanase Ivanovitch, son oreille fut frappée d’un miaulement plaintif. Sans y trop penser, elle prononça : kis, kis[1], et tout à

  1. Cri pour appeler les chats.