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Alors Athanase Ivanovitch avait coutume de dire, en affectant de ne point regarder Pulchérie Ivanovna :

— J’ai moi-même l’intention d’aller à la guerre ; pourquoi n’irais-je pas à la guerre ?

— Allons, le voilà parti, s’écriait Pulchérie Ivanovna. Ne croyez pas un mot de ce qu’il dit, ajoutait-elle en s’adressant à l’étranger. Comment pourrait-il, vieux comme il est, aller à la guerre ? le premier soldat venu le tuerait, oui, bien sûr, le tuerait. Il le coucherait en joue, et le tuerait.

— Ou bien, répliquait Athanase Ivanovitch, c’est moi qui le tuerais.

— Écoutez, écoutez ce qu’il dit, reprenait Pulchérie Ivanovna ; comment peut-il aller à la guerre ? ses pistolets sont rouillés depuis longtemps, et montés au grenier. Si vous les voyiez.... Ils éclateraient certainement, et lui se blesserait les mains, le visage ; il serait défiguré le reste de ses jours.

— Eh bien ! disait Athanase Ivanovitch, je m’achèterais de nouvelles armes, je prendrais un sabre ou une lance de Cosaque.

— Folies que tout cela ! ne voilà-t-il pas qu’il se coiffe de cette belle idée et commence à parler, disait Pulchérie Ivanovna avec un certain dépit ; je sais bien qu’il plaisante, mais cependant c’est désagréable à entendre. On écoute, on écoute, et on finit par avoir peur. —