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avait servi à l’armée ; mais il y avait de cela si longtemps, si longtemps, qu’il n’en faisait plus mention lui-même. Athanase Ivanovitch s’était marié à l’âge de trente ans, alors qu’il était encore beau garçon et qu’il portait une courte pelisse brodée (camzôl, du mot français camisole). Il avait même enlevé avec assez d’adresse Pulchérie Ivanovna dont les parents ne le voulaient pas pour gendre. Mais c’est à peine s’il se rappelait cette aventure ; du moins il n’en parlait jamais. À tous ces événements anciens et extraordinaires avaient succédé depuis longtemps une vie paisible, retirée, et des rêveries douces et solitaires, semblables à celles qui vous surprennent quand vous êtes assis sur une terrasse dominant un jardin, tandis qu’une fertile pluie d’été tombe à larges gouttes sur les feuilles des arbres, formant à leur pied de petits ruisseaux dont le bruit invite au sommeil, et que l’arc-en-ciel, glissant au-dessus du feuillage, étale sur le ciel ses pâles nuances, ou tandis que, bercé dans une calèche qui plonge entre de larges buissons verts, aux cris éclatants de la caille des steppes, vous sentez chatouiller vos mains et votre visage par les épis des hauts blés et les tiges des grandes fleurs champêtres qui s’introduisent dans la voiture en escaladant les portes.

Athanase Ivanovitch écoutait avec un sourire gracieux les personnes qui venaient le visiter ; il