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fois encore d’une poule attachée par les pattes. Après une pareille aubaine, les grammairiens, rhétoriciens, philosophes et théologiens continuaient gaiement leur route. Toutefois, plus ils allaient en avant, plus leur nombre diminuait ; tous s’éparpillaient peu à peu ; il ne restait de la troupe que ceux dont les maisons paternelles étaient le plus éloignées de la ville.

Une fois, pendant un voyage de cette espèce, trois boursiers quittèrent la grande route pour chercher des provisions dans le premier village qu’ils rencontreraient, car depuis longtemps leurs sacs étaient vides. C’étaient le théologien Haliava, le philosophe Thomas Brutus et le rhétoricien Tibère Gorobetz. Le théologien était un homme de haute taille, à larges épaules, et d’un caractère fort singulier. Il avait l’habitude de s’approprier tout ce qui se trouvait sous sa main ; avec cela l’humeur très-sombre, et quand il s’enivrait, il allait d’ordinaire se cacher dans les plus épais taillis, où la direction du séminaire avait grand’peine à le retrouver. Le philosophe Thomas Brutus était très-gai, tout au contraire, aimait à rester couché, à fumer sa pipe, et il ne manquait pas, après boire, de louer des musiciens et de danser lui-même le tropak[1]. Il recevait fréquemment des

  1. Danse de la Petite-Russie.