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conditions, c’est-à-dire allaient donner des leçons aux fils des riches campagnards, et recevaient pour prix de leurs soins ou des bottes neuves, ou même un caftan usé seulement à demi. Tout ce troupeau partait ensemble, mangeait et dormait dans les champs. Chacun d’eux portait un sac qui contenait une chemise et une paire de bas. Les théologiens surtout se montraient fort économes. Pour ne pas user leurs bottes, ils les portaient sur les épaules, pendues à un bâton. C’était principalement quand il y avait de la boue ; alors ils relevaient leurs larges pantalons jusqu’aux genoux, et pataugeaient intrépidement dans les mares. Dès qu’ils apercevaient un village à l’horizon, ils abandonnaient la grande route, et se plaçant sur une seule file devant la maison de meilleure apparence, ils chantaient à tue-tête une complainte religieuse. Le maître de la maison, quelque vieux Cosaque laboureur, les écoutait longtemps, la tête appuyée sur les deux mains ; puis il sanglotait amèrement, et disait à sa femme :

— Femme, ce que les étudiants chantent doit être quelque chose de très-édifiant. Donne-leur de la graisse de cochon et tout ce que nous avons en mangeaille. —

Aussitôt un grand panier de gâteaux était versé dans le sac des étudiants, accompagné d’une pelote de saindoux, de pains de seigle, et quelque-