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un rhétoricien, que ses lèvres épaisses rendaient au moins digne d’appartenir à la philosophie. Il lisait sa leçon en voix de basse, et, de loin, l’on n’entendait que son murmure en faux-bourdon. Les répétiteurs, tout en écoutant les leçons, regardaient d’un œil par-dessous le banc pour voir s’il ne se trouvait pas dans la poche de leurs écoliers quelque friandise dont ils pussent faire leur profit. Quand toute cette foule savante arrivait d’un peu trop bonne heure, ou quand on savait que les professeurs viendraient plus tard que d’habitude, alors, du consentement de tous, commençait une bataille à laquelle tout le monde devait prendre part, même les censeurs, dont le devoir était de veiller au bon ordre et aux bonnes mœurs. D’ordinaire, deux théologiens décidaient de quelle manière devait avoir lieu le combat, c’est-à-dire si chaque classe se battrait pour son propre compte, ou si tous les étudiants devaient se diviser en deux grands partis : la bourse et le séminaire. En tous cas, c’étaient les grammairiens qui commençaient avant les autres, et dès qu’arrivait le tour des rhétoriciens, ils s’enfuyaient et se juchaient sur les hauteurs pour observer les chances du combat. Puis arrivait la philosophie, avec de longues moustaches noires, puis enfin la théologie dans d’énormes pantalons cosaques. La bataille se terminait presque toujours par une victoire complète de la théologie, et la phi-