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et une aigre voix de femme se fit entendre en criant d’un ton glapissant : « Qui a frappé ? qui a frappé ? qu’est-ce que vous êtes venus faire ici ?

— Nous sommes des voyageurs, la bonne mère ; donne-nous asile pour la nuit, dit Tchitchikof.

— Voyez-vous ce beau monsieur, comme il y va ! La belle heure et le beau temps, vraiment, qu’il a choisis pour venir demander l’hospitalité ! Cette maison n’est pas une auberge ; c’est la demeure de la dame du village, une personne noble.

— Fort bien, petite maman ; mais vous voyez que nous nous sommes égarés dans la campagne, au milieu de cet ouragan. Vous ne nous laisserez pourtant pas coucher dehors, sous les torrents de pluie d’une nuit pareille ?

— Oui, il fait bien sombre et bien mauvais temps, ajouta Séliphane.

— Tais-toi, imbécile, dit sèchement Tchitchikof.

— Mais qui êtes-vous ? quel homme êtes-vous ? dit la vieille.

— Je suis un gentilhomme, un noble, ma chère dame. »

Le mot de noble parut produire quelque effet sur la vieille. Après un moment de réflexion, elle dit : « Attendez, je vais parler à madame. »

Elle rentra, et deux minutes après elle reparut, une lanterne à la main. La porte cochère s’ouvrit : une lumière dans l’intérieur avait été posée sur une fenêtre. La britchka entra dans la cour et alla se ranger contre l’avancée d’une petite maison que, par cette obscurité, il était impossible de bien examiner.

Une moitié de la maison était éclairée, et la lumière, qui se faisait jour à travers trois ou quatre fenêtres, allait tomber sur les mares de la cour ; l’averse fondait bruyamment sur le toit de bois, et une partie venait faire fontaine jaillissante dans un tonneau placé à portée de la


    cochers, quand ils mènent, ceignent d’une ceinture la taille de leur armiak, qui la plupart du temps reste ouvert et ballant.