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— Adieu, mes chers mignons. Excusez-moi si je ne vous ai pas apporté quelque chose de la ville : c’est que, j’en conviendrai, j’ignorais absolument que vous fussiez au monde ; à présent que nous avons fait connaissance, je reviendrai vous voir et, certes, je ne vous oublierai pas. Toi, tu auras un sabre. Veux-tu un sabre ?

— Je veux… répondit Thémistoclus.

— Et toi un tambour ; n’est-ce pas que tu veux un tambour ? continua Tchitchikof en se baissant vers Alcide.

— Bambrabout, répondit affirmativement Alcide en plongeant sa tête dans sa poitrine.

— C’est convenu ; je t’apporterai un tambour, un superbe tambour, et tu nous feras des trrrr trrrr et ta ta ta ta trra trrra. Adieu, mon ange, adieu. » Et après avoir donné à chacun des enfants un baiser sur la tête, il dit à Manîlof et à sa femme, avec ce sourire béat qu’on fait aux tendres parents au sujet de l’innocence des désirs de leurs enfants : « Moi, j’adore ces petits êtres !

— Restez, rentrons, Paul Ivanovitch, dit Manîlof quand tous furent réunis sur le perron ; voyez, voyez quels gros nuages.

— Ce sont des nuages insignifiants, qui seront dissipés dans une heure.

— Mais savez-vous le chemin pour vous rendre chez Sabakévitch ?

— Non ; mon intention était justement de vous le demander.

— Attendez, je vais expliquer cela à votre cocher. » Et avec la plus grande complaisance il expliqua au cocher les particularités de la route à tenir ; dans son zèle il dit vous à ce rustre de Séliphane, qui, au reste, ne s’en aperçut pas ; seulement il fit de la main gauche le geste de passer deux chemins de traverse et d’entrer résolument dans le troisième selon l’indication ; puis il salua le monsieur et la dame, saisit les guides et mit la britchka en mouvement. Tchitchikof partit ; mais, tant qu’il put apercevoir ses hôtes, il les regarda toujours groupés sur le de-