Tchitchikof, car il se mit aussitôt à le féliciter ; ces félicitations ne laissèrent pas de contrarier notre héros : car il voyait en présence deux de ses vendeurs, qui pouvaient se mettre en communication ; mais comme, au reste, la chose était inévitable, il en prit son parti, remercia le président et s’adressant vite à Sabakévitch, il lui dit :
« Et vous, comment cela va-t-il ?
— Dieu merci, je n’ai pas à me plaindre, » répondit Sabakévitch.
Et, en effet, nous croyons que le fer prendrait plutôt le rhume et la toux que ce gentilhomme admirablement constitué pour notre climat.
« Vous avez une réputation de santé vraiment unique, dit le président, et feu votre père était, dit-on, aussi un homme extrêmement solide.
— Eh mais, il marchait seul contre un ours.
— Il me semble, dit le président, que, vous aussi, vous pourriez avoir raison d’un ours.
— Non. Le défunt était plus fort que moi ; oui, oui, bien plus fort. Il n’y a plus d’hommes comme ceux de son temps : ma vie, à moi, qu’est-ce que c’est que ma vie ? Est-ce une vie, une vie enfin, cela ?
— Comment ? votre vie n’est pas bonne ? et en quoi donc, je vous prie ?
— Bonne ! sûrement non, dit Sabakévitch en branlant la tête. Songez donc, Ivan Grégoriévitch, que je tire à la cinquantaine, et pas une fois je n’ai été malade ; pas le moindre mal de gorge, pas un clou, pas un abcès, rien… c’est mauvais. Viendra, bien sûr, le moment de payer tout cela, ajouta-t-il très-mélancoliquement.
— C’est étonnant, pensèrent en même temps Tchitchikof et le président, l’imagination ! il se trouve à plaindre !
— J’ai sur moi une lettre pour vous, » dit Tchitchikof en tirant de sa poche la lettre de Pluchkine.
— De qui cela ? » Et après avoir décacheté, il s’écria : « Ha ! de Pluchkine. Il grelotte encore sur la terre. Eh bien ! c’était un homme très-riche, très-spirituel, et aujourd’hui…
— Aujourd’hui c’est un chien, dit Sabakévitch, un