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LE MARIAGE 163

Et là, derrière, il n'y a rien sur les talons?... Merci, ma petite amie... Ohé !... mais il y a quelque chose là... (Il passe la main sur la manche de son frac et jette tm regard sur Anoutchkine, puis sur Ivan Pavlo- vitch.) C'est que le tissu est du pur anglais... Ça se porte, que c'est une merveille ! En l'année 95, quand notre escadre était en Sicile, je l'ai acheté quand je n'avais pour tout grade que celui d'enseigne de vais- seau... J'en fis un uniforme... en 801, sous le règne de Paul Petrovitch, je devins lieutenant... l'étoffe était encore toute neuve... En 814, pendant mon expédition autour du monde, ce fut tout juste si les bords se sont usés... J'ai pris ma retraite en 815... j'en fis alors un frac... voilà dix ans que je le porte... toujours comme s'il était neuf ! Merci encore, petite âme... tu es un amour !

(Il serre la main de Douniachka, puis s' approchant de la glace, il ébouriffe un peu ses cheveux.)

Anoutchkine. — Permettez-moi de savoir... la Sicile?... Vous venez de parler de la Sicile... C'est une belle contrée, que la Sicile?

Jevakine. — Merveilleuse ! Nous y avons passé trente-quatre jours... une vue admirable je vous en réponds... Des montagnes, des arbres, vous savez, ces grenadiers... et de petites Italiennes partout, de vraies roses... on n'a qu'une envie, les baiser toutes !

Anoutchkine. — Elles sont instruites?...

Jevakine. — Instruites? Merveilleusement !... chez nous, il n'y a que nos comtesses qui en savent autant !... Il m' arrivait de traverser une rue... Vous comprenez, un lieutenant russe, là, des épaulettes (il montre ses

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