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oserait dire hautement qu’il a divorcé avec sa conscience ?

Mittler aurait sans doute encore continué pendant longtemps ce discours passionné, si le roulement de deux voitures et le son du cor des postillons ne lui avaient pas annoncé la visite qu’il voulait éviter. Le Comte et la Baronne entrèrent en effet, et en même temps, dans la cour du château, mais chacun par une porte différente.

Charlotte et son mari se hâtèrent d’aller les recevoir. Mittler descendit par un escalier dérobé, traversa le jardin et se rendit au cabaret du village. Un domestique du château, à qui il en avait donné l’ordre, lui amena son cheval, il le monta précipitamment, partit au galop et de très-mauvaise humeur.


Le Comte et la Baronne revirent avec plaisir le château où ils avaient passé plus d’une agréable journée, et leur présence rappela d’heureux souvenirs aux époux. Au reste, tous deux plaisaient généralement. Grands, bien faits et d’un extérieur imposant, ils étaient du petit nombre des personnes qui arrivent à l’âge mûr sans avoir rien perdu, parce qu’elles n’ont jamais possédé la fraîcheur et les grâces naïves de la première jeunesse.

Les avantages qui leur manquaient étaient amplement compensés par une bonté digne, qui attire les cœurs et inspire une confiance illimitée. L’aisance de leurs manières, et leur gaîté tempérée par une haute