Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/87

Cette page n’a pas encore été corrigée

« En posant ces fondements nous croyons travailler pour l’éternité, et cependant la conscience de la fragilité des choses humaines nous domine malgré nous ; le petit trésor que nous venons de renfermer dans ce coffre en est une preuve certaine. Nous pressentons qu’un jour on l’ouvrira, et pour qu’on puisse l’ouvrir, il faut qu’il soit détruit, le bâtiment qui n’est pas encore terminé !

« Nous le terminerons cependant ! pour nous en donner le courage, repoussons les pensées d’avenir, revenons au présent ! Après la joyeuse fête de ce jour, nous reprendrons notre travail avec une ardeur nouvelle. Que les nombreux artisans qui ne peuvent exercer leurs talents qu’après nous, ne soient pas réduits à attendre que la maison s’élève promptement, et que bientôt, par les fenêtres qui n’existent pas encore, le maître qui fait bâtir, sa noble dame et ses hôtes, puissent admirer la belle et fertile contrée que l’on découvre du haut de cette montagne. Qu’ils me permettent tous de boire à leur santé. »

Un de ses camarades lui présenta un grand et beau verre à patte. Il le vida d’un trait et le lança en l’air, car en brisant le vase où l’on a bu dans un moment de joie, on prouve que cette joie était excessive et sans pareille.

Les débris du verre ne retombèrent point sur la terre ; on allait crier au miracle, lorsqu’on découvrit la cause toute naturelle de ce singulier incident.

Le côté du bâtiment opposé à celui dont l’on venait de poser la première pierre, était déjà fort avancé, et les murs si hauts qu’on ne pouvait y travailler que sur des échafaudages. Une partie des habitants de la contrée était montée sur ces échafaudages, et l’un d’eux reçut le