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Le beau corps d’Ottilie fut revêtu de la parure qu’elle s’était préparée elle-même, et l’on entoura son front d’une couronne de marguerites, dont les nuances variées formaient autour de sa tête une auréole prophétique. Pour orner le cercueil, l’église et la chapelle, on avait dépouillé les jardins de toutes leurs parures ; ils étaient sombres et déserts, comme si déjà l’hiver avait engourdi la végétation.

Dès les premiers rayons du jour, ou emporta Ottilie du château dans un cercueil découvert, et le soleil levant éclaira pour la dernière fois son beau visage et lui prêta les nuances de la vie. La foule se pressa autour d’elle ; on ne voulait ni la devancer ni la suivre, mais la voir, la regarder et lui adresser un dernier adieu. L’émotion fut générale ; mais les jeunes filles surtout, dont elle avait été la protectrice, étaient inconsolables. Nanny manquait au cortège ; pour ne pas augmenter son irritation par des images douloureuses, on lui avait caché le jour et l’heure de l’enterrement. Quoique enfermée chez ses parents dans une chambre qui donnait sur le jardin, elle entendit le son des cloches qui lui fit deviner ce qui allait se passer. La garde chargée de veiller sur elle l’avait imprudemment quittée pour assister à la cérémonie. Restée seule, elle s’échappa par une fenêtre qui donnait sur le corridor, d’où elle monta au grenier, car toutes les autres portes de la maison étaient fermées.

En ce moment le cortège s’avançait lentement sur la route jonchée de feuilles et de fleurs qui traversait le village. Bientôt il passa sous la lucarne du grenier par laquelle Nanny voyait sa maîtresse mieux et plus distinctement que tous ceux qui suivaient le cortège. Il lui semblait qu’elle était portée sur des nuages et que, par