Page:Goethe - Les Affinités électives, Charpentier, 1844.djvu/338

Cette page n’a pas encore été corrigée

Attirer la curiosité des enfants sur les mystères les plus dangereux, et enflammer leur imagination par des paroles énigmatiques, n’est-ce pas les jeter de force au milieu des écueils qu’on veut leur faire éviter ? et ne vaudrait-il pas cent fois mieux abandonner au bon plaisir d’un tribunal secret le châtiment de pareils crimes, que d’en bavarder en pleine église devant la commune réunie ?

Ottilie entra doucement et Mittler continua avec feu :

— _Tu ne commettras point d’adultère_ ! Que c’est grossier ! Que c’est inconvenant ! Est-ce que cela ne sonnerait pas mieux aux oreilles si l’on disait : Respecte les liens du mariage, et quand tu verras des époux heureux, réjouis-toi de leur bonheur comme de l’éclat d’un beau jour ; s’il existe quelque sujet de mésintelligence entre eux, fais-les disparaître, rapproche leurs cœurs, réconcilie-les ; fais-leur sentir les avantages de leur position avec un généreux désintéressement ; fais-leur comprendre surtout que si l’accomplissement de chaque devoir est une source de bonheur, celui de ce devoir qui unit indissolublement le mari et la femme est la base de tous les autres devoirs, de tous les autres bonheurs de la vie sociale.

Charlotte était sur des charbons ardents, sa position était d’autant plus pénible qu’elle savait que Mittler n’avait pas la conscience de ce qu’il disait et devant qui il prononçait ces imprudentes paroles. Elle allait l’interrompre lorsque Ottilie, dont le visage avait tout à coup changé d’expression, se retira brusquement.

— J’espère, mon cher Mittler, dit Charlotte en s’efforçant de sourire, que vous me ferez grâce du septième commandement.

— Des neuf commandements, si vous voulez, pourvu