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table, je t’ai écrit, j’y ai déposé le billet qui devait te préparer à ma présence. Je t’en conjure, lis-le, et puis décide, prononce notre arrêt.

Elle baissa les yeux vers le billet, le prit après une courte hésitation, le déploya, le lut sans aucune émotion apparente, le replia et le replaça en silence sur la table. Puis elle éleva ses mains jointes vers le ciel, les rapprocha de sa poitrine, s’inclina en avant comme si elle voulait se prosterner devant Édouard, et le regarda avec une expression si déchirante, qu’il s’enfuit désespéré, et chargea l’hôtesse, qui était restée dans la salle d’entrée, d’aller veiller sur la malheureuse jeune fille.

Ne sachant plus que faire, que devenir, il se promena à grands pas dans cette salle. La nuit était venue et le plus morne silence régnait chez Ottilie. L’hôtesse sortit enfin et ferma la porte à clef. La pauvre femme était émue, embarrassée. Après un instant d’hésitation, elle offrit au Baron la clef de la chambre d’Ottilie ; il la refusa d’un geste désespéré. L’hôtesse posa la chandelle sur une table et se retira.

Édouard se jeta sur le seuil de la porte d’Ottilie et l’arrosa de ses larmes. Jamais encore deux amants n’ont passé si près l’un de l’autre une nuit aussi cruelle.

Le jour parut enfin, le cocher était pressé de partir ; l’hôtesse vint ouvrir la chambre d’Ottilie et y entra. En voyant la jeune fille qui s’était jetée tout habillée sur son lit, où elle paraissait dormir paisiblement, elle revint sur ses pas et invita Édouard par un sourire compatissant à s’approcher. Il se tint un instant debout devant son lit, mais il lui fut impossible de soutenir la vue de la malheureuse enfant qui l’avait banni de sa présence. L’hôtesse n’eut pas le courage de la réveiller ; elle prit une chaise et s’assit en face d’elle. Bientôt