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Puis il plia le billet et écrivit l’adresse ; mais il était trop tard pour le cacheter, et il se sauva dans un cabinet qui donnait sur le corridor, Se souvenant tout à coup qu’il avait laissé sur la table sa montre et le cachet qui y était attaché, il sentit qu’Ottilie ne devait pas voir ces objets avant d’avoir lu sa lettre, et il retourna sur ses pas pour les enlever. Déjà il les tenait dans sa main, quand il entendit la voix de l’hôtesse qui désignait à la jeune voyageuse la chambre où elle allait l’introduire. Craignant d’être surpris, il s’élança vers le cabinet ; mais avant de l’atteindre, un courant d’air en ferma violemment la porte, et la clef qui était restée en dedans, tomba sur le plancher du cabinet. Hors de lui il secoua la porte avec violence, mais elle ne céda point. Combien n’envia-t-il pas alors le sort des fantômes qui se glissent à travers les serrures ! Ne sachant plus ce qu’il voulait où ce qu’il devait faire, il se cacha le visage contre le chambranle de la porte. Ottilie entra du côté opposé, et l’hôtesse qui la suivait se retira presque aussitôt, car la présence inattendue et l’attitude singulière d’Édouard l’avait surprise et même effrayée.

La jeune fille aussi venait de le reconnaître, et il se tourna vers elle, car il avait conservé assez de présence d’esprit pour sentir qu’elle devait l’avoir vu. Ce fut ainsi que les deux amants se trouvèrent de nouveau en face l’un de l’autre.

Muette et immobile, Ottilie le regarda d’un air sérieux et calme ; mais au premier mouvement qu’il fit pour s’approcher d’elle, elle recula jusqu’à la table.

— Ottilie ! s’écria-t-il, pourquoi ce terrible silence ? Ne sommes-nous déjà plus que des ombres qui se dressent en face l’une de l’autre ? Écoute-moi, c’est par un hasard funeste que tu me trouves ici. Regarde, là, sur cette