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nièce qui, elle-même, ne le désirait point. Au reste, elle connaissait la route et les maîtres de l’auberge où elle devait passer la première nuit. Le cocher du château à qui l’on avait confié la tâche de la conduire était un homme sûr, il n’y avait donc rien à craindre.

Depuis longtemps Charlotte désirait quitter la maison d’été et s’arracher ainsi aux images qu’elle lui retraçait ; mais, avant de retourner au château, elle voulait faire remettre les appartements qu’Ottilie y avait habitée, dans l’état où ils étaient lorsqu’Édouard les occupait avant l’arrivée du Major.

L’espoir de ressaisir un bonheur perdu vient souvent nous surprendre malgré nous, et Charlotte pouvait se croire de nouveau autorisée à nourrir cet espoir.


Lorsque Mittler arriva près du Baron pour lui faire part du départ d’Ottilie, il le trouva seul, et la tête appuyée dans sa main droite. Il paraissait souffrir.

— Est-ce que votre mal de tête vous tourmente encore ? lui dit-il.

— Oui, et j’aime cette souffrance, car elle me rappelle Ottilie. Peut-être est-elle en ce moment appuyée sur sa main gauche ; car, vous le savez, pour elle, le mal est au côté gauche de la tête. Il est sans doute plus fort que le mien, pourquoi ne le supporterais-je pas avec autant de patience qu’elle ? Au reste, cette souffrance a pour moi quelque chose d’utile, de salutaire ; elle me rappelle puissamment la patience angélique qui complète