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réunis pour veiller sur son éducation et assurer son avenir.

— C’est par pure vanité, s’écria Édouard, que les parents se croient indispensables à leurs enfants : tout ce qui existe trouve autour de soi la nourriture et les soins dont il a besoin. Si la mort prématurée d’un père rend la jeunesse du fils moins douce, ce fils gagne, en résumé plus qu’il ne perd, car son esprit se développe et se forme plus vite, parce qu’il est de bonne heure réduit à se plier devant la volonté d’autrui ; nécessité cruelle à laquelle nous sommes tous forcés de nous soumettre tôt ou tard. Au reste, le besoin ne pourra jamais atteindre mon fils, je suis assez riche pour assurer un sort convenable à plusieurs enfants, et je ne vois point de considération qui puisse me faire un devoir de laisser mon immense fortune à un seul héritier.

Le Major essaya de retracer à son ami le tableau de son premier et constant amour pour Charlotte : l’impatient mari l’interrompit vivement.

— Nous avons fait tous deux une haute folie, s’écria-t-il ; oui, c’est toujours une folie de vouloir réaliser dans un âge plus avancé, les rêves de la première jeunesse. Chaque âge a des espérances, des vues, des besoins qui lui sont particuliers. Malheur à l’homme que les circonstances ou l’erreur poussent à chercher le bonheur avant ou après l’époque de la vie où il se trouve. Mais si nous avons commis une imprudence, faut-il qu’elle empoisonne toute notre existence ? De vains scrupules doivent-ils nous empêcher de profiter d’un avantage que la loi elle-même nous offre ? Que de fois ne revenons-nous pas sur une résolution prise qui ne concerne que des intérêts de détails, que des