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r son récit quelques souvenirs douloureux dansée cœur de Charlotte.

— Il paraît, continua-t-il, que malgré notre bonne volonté, nous ne pouvons rendre à ces dames que le mal pour le bien ; ce qui nous reste de mieux à faire est donc de partir le plus tôt possible.

— J’en conviens. Je dois cependant vous avouer, Milord, que je me sens retenu ici par un fait singulier que je voudrais pouvoir éclaircir. Hier, pendant notre promenade, vous étiez beaucoup trop absorbé par votre chambre obscure, pour vous occuper de ce qui se passait autour de vous. Un point peu visité des bords opposés du lac vous avait spécialement frappé, et vous vous y êtes rendu par un sentier détourné. Au lieu de prendre ce même sentier, Ottilie m’a proposé de vous rejoindre en traversant le lac, et je suis monté dans la nacelle qu’elle dirigeait avec tant d’adresse, que je n’ai pu m’empêcher de lui exprimer mon admiration. Je l’ai assurée que depuis notre départ de la Suisse, où de charmantes jeunes filles servent souvent de bateliers aux voyageurs, je n’avais encore jamais été balancé sur les flots d’une manière aussi agréable. Je lui ai demandé ensuite pourquoi elle n’avait pas voulu suivre le sentier que vous aviez choisi, car je m’étais aperçu qu’il lui inspirait un sentiment de crainte insurmontable.

— Si vous me promettez de ne pas vous moquer de moi, m’a-t-elle répondu, je vous dirai mes motifs, autant que cela est en mon pouvoir, puisqu’ils sont un mystère pour moi-même. Je ne puis marcher sur cette route sans être saisie d’une terreur qu’aucune autre cause ne saurait me faire éprouver et que je ne puis m’expliquer. Cette sensation est d’autant pl