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on n’aurait osé blâmer son changement à l’égard de son futur, car il était tellement au-dessous du jeune officier, que la comparaison ne pouvait que lui être défavorable. Si l’on accordait volontiers à l’un une certaine confiance, l’autre inspirait une sécurité complète ; si l’on aimait à associer l’un à tous les plaisirs de la société, on voyait dans l’autre un ami aussi sûr qu’aimable ; et lorsqu’on se les figurait tous deux dans une de ces positions sérieuses et graves, qui font dépendre le sort de toute une famille de la résolution et de la sagesse d’un homme, on doutait de l’un, tandis que l’on comptait sur l’autre comme sur un appui inébranlable. Les femmes ont, pour sentir et pour juger ces sortes de différences, un tact particulier que leur position sociale les met sans cesse dans la nécessité de développer et de perfectionner.

Personne ne songea à plaider la cause du futur auprès de sa belle fiancée, ni à lui rappeler les devoirs que lui imposaient à son égard les convenances de famille et de société ; car on ne supposait pas qu’elle nourrissait un penchant opposé à ces devoirs. Son cœur cependant se laissait aller à ce penchant en dépit du lien qui l’enchaînait, et qu’elle avait sanctionné par un consentement positif et volontaire. Elle ne se laissa pas même décourager par le peu de sympathie qu’elle rencontrait chez le jeune officier. Se conduisant en frère bienveillant plutôt que tendre, il lui fit voir que toutes ses espérances se bornaient à avancer promptement dans la carrière militaire, ce qui devait nécessairement l’éloigner bientôt et pour toujours peut-être. Il alla jusqu’à lui parler de ses projets et de son prochain départ avec une tranquillité parfaite.

Ce prochain départ, surtout, alarma la jeune fille, et