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rien dire qui pût affecter l’une ou l’autre des personnes devant lesquelles on parle ; car les observations les plus vulgaires peuvent réveiller des douleurs assoupies, blesser des intérêts vivants.

— J’éviterai autant que possible, dit-il à son compagnon, toute nouvelle méprise de ce genre, tâchez de me seconder en racontant à ces dames quelques-unes des charmantes anecdotes dont, pendant votre voyage, vous avez enrichi votre portefeuille et votre mémoire.

Ce louable dessein n’eut pas tout le succès que les deux étrangers en avaient espéré. Les dames écoutèrent le narrateur avec beaucoup de plaisir. Flatté de l’intérêt qu’elles prenaient à ses récits et à son débit, il voulut achever de les charmer par une petite histoire aussi singulière que touchante. Comment aurait-il pu deviner qu’elles y prendraient un intérêt personnel ?

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LES SINGULIERS ENFANTS DE VOISINS.

NOUVELLE.


Deux enfants nés de riches propriétaires dont les domaines se touchaient, grandissaient ensemble sous les yeux de leurs parents qui, pour resserrer les liens de bon voisinage, avaient formé le projet de les unir un jour. Sous le rapport de l’âge, de la fortune, de la position sociale, ce mariage ne laissait rien à désirer ; aussi les parents le regardaient-ils déjà comme une affaire irrévocablement arrêtée. Bientôt cependant ils furent forcés de reconnaître que chaque jour au