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Cet homme si sociable ne se rendait jamais importun, car il savait s’occuper utilement. A l’aide d’une chambre obscure qu’il portait partout avec lui, il reproduisait les points de vue les plus saillants des contrées qu’il visitait, et se procurait ainsi un recueil de dessins aussi agréable pour lui que pour les autres. Pendant les soirées qu’il passait avec les dames, il leur montrait ses dessins qui les amusaient d’autant plus, que les récits et les explications dont l’aimable Lord les accompagnait, faisaient passer sous leurs yeux, au milieu de la profonde solitude dans laquelle elles vivaient, les rivages et les ports, les mers et les fleuves, les montagnes et les vallées les plus célèbres, ainsi que les castels et les autres localités immortalisés par les événements historiques dont ils avaient été le théâtre. Cet intérêt cependant était d’une nature différente chez chacune des deux dames. L’importance historique captivait Charlotte, tandis qu’Ottilie aimait a s’arrêter sur les contrées dont Édouard lui avait parlé souvent, et avec prédilection ; car nous avons tous des souvenirs de faits ou de localités plus ou moins éloignés, auxquels nous revenons toujours avec plaisir parce qu’ils se trouvent en harmonie avec certaine particularité de notre caractère, ou avec certains incidents de notre vie, que l’habitude ou nos penchants naturels nous ont rendus chers.

Lorsque les dames demandaient au noble Lord dans laquelle des charmantes contrées dont il leur montrait les dessins il se fixerait de préférence, s’il avait la liberté du choix, il éludait une réponse directe et se bornait à raconter les aventures agréables qui lui étaient arrivées dans les unes ou les autres de ces contrées, et il en vantait le charme, avec une prononciation en français pittoresque, qui donnait à son langage quelque chose de piquant.