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pu me familiariser avec les vers et les scarabées. »

« Il vient de m’avouer qu’il est de mon avis à ce sujet, et que nous ne devrions connaître la nature qu’en ce qu’elle fait immédiatement mouvoir et vivre autour de nous. Chaque arbre qui verdit, fleurit et porte ses fruits sous nos yeux, chaque plante que nous trouvons sur notre passage, chaque brin d’herbe que nous foulons à nos pieds, ont des rapports directs avec nous et sont nos véritables compatriotes. Les oiseaux qui sautent de branche en branche dans nos jardins et qui chantent dans nos bosquets, nous appartiennent et parlent un langage que, dès notre enfance, nous apprenons à connaître. Mais, qu’on se le demande à soi-même, chaque être étranger arraché à son entourage naturel, ne produit-il pas sur nous une impression inquiétante et désagréable que l’habitude seule peut vaincre ? Il faut s’être façonné à un genre de vie tumultueux et bizarre, pour souffrir tranquillement autour de soi des singes, des perroquets et des nègres. »

« Quand parfois une curiosité instinctive me fait désirer de voir des objets étrangers, j’envie le sort des voyageurs ; car ils peuvent observer ces merveilles dans leur harmonie avec d’autres merveilles vivantes, et qui ne sont pour elles que des relations ordinaires et indispensables. Au reste, le voyageur lui-même doit se sentir autre chose que ce qu’il était au foyer paternel. Oui, les pensées et les sensations doivent changer de caractère dans un pays où l’on se promène sous des palmiers où naissent les éléphants et les tigres. »

« Le naturaliste ne devient réellement estimable, que lorsqu’il nous représente les objets inconnus et les plus rares avec les localités et l’entourage qui forme leur véritable